Gaz et particules après un incendie : comprendre les polluants émis par les incendies


Gaz et particules après un incendie : Comprendre les polluants émis par les incendies

Les incendies dans les centres de tri ou les installations de traitement des déchets posent des questions majeures en matière de qualité de l’air et de santé environnementale. Au-delà des flammes et des fumées visibles, ils génèrent une pollution atmosphérique complexe, composée de gaz toxiques, de particules fines, de composés organiques volatils (COV), de métaux lourds et de dioxines.

Ces polluants, libérés selon la composition des déchets et les conditions de combustion, peuvent contaminer durablement l’air ambiant, même dans des bâtiments non touchés directement par le feu. C’est pourquoi, après un incendie, il est crucial de caractériser précisément les émissions atmosphériques, afin de documenter les risques et décider en toute sécurité de la réintégration des zones affectées.

Figure 1 – La présence de fumées épaisses et noires indique une combustion incomplète, souvent liée à la dégradation thermique de plastiques, polymères, caoutchoucs ou carburants. Ces fumées sont riches en particules de carbone, composés organiques volatils (COV) et suies, potentiellement toxiques pour la santé humaine et l’environnement.

Polluants gazeux : une chimie réactive et toxique

Dioxines et furanes (PCDD/PCDF)

Les dioxines et furanes se forment entre 450°C et 750°C lors de la combustion incomplète de matériaux chlorés (plastiques, câbles, bois traités) en présence de métaux catalytiques comme le cuivre ou le fer. Ces composés, extrêmement persistants et toxiques, sont classés cancérogènes par le CIRC (groupe 1).

Des études montrent des concentrations pouvant atteindre 0,99 à 16,6 µg/kg TEQ (équivalent toxique) dans les fumées de déchets électroniques (Kraus et al., 2012 ; UNEP, 2015).

COV et HAP : les polluants volatils invisibles

Les composés organiques volatils (COV) sont libérés dès les premières minutes d’un incendie. Ils comprennent :

  • Benzène, toluène, xylène ;
  • Formaldéhyde, cancérogène probable ;
  • Styrène, irritant et potentiellement neurotoxique.

Parmi les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), le benzo[a]pyrène est fréquemment détecté à des concentrations comprises entre 0,01 et 1,2 mg/kg. L’application d’eau d’extinction augmente leur libération (+50 % en moyenne), en favorisant une pyrolyse incomplète des matériaux.

Gaz acides : HCl, SOx et irritations respiratoires

La combustion de plastiques chlorés (comme le PVC) et de déchets soufrés entraîne l’émission de gaz acides :

  • HCl (acide chlorhydrique), très corrosif ;
  • SO₂ (dioxyde de soufre), irritant pour les voies respiratoires.

Les concentrations varient selon la proportion de matériaux halogénés ou soufrés dans les déchets.

Figure 2 – Les fumées grises d’un incendie peuvent contenir un mélange de vapeur d’eau, de particules fines et de gaz irritants comme le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre ou les oxydes d’azote. Leur dispersion dans les zones résidentielles proches souligne l’importance d’une évaluation post-incendie de la qualité de l’air pour assurer la sécurité des habitants et des travailleurs.

 

Particules en suspension et métaux lourds

Particules fines (PM10, PM2.5, PM1)

Les feux de déchets génèrent principalement des particules fines et ultrafines. Leur taille réduite (<1 µm) leur permet de pénétrer profondément dans les alvéoles pulmonaires. Leur densité varie selon les matériaux brûlés : de 0,8 g/cm³ pour le bois à 2,5 g/cm³ pour certains plastiques ou polymères (PMMA, PUR).

Les feux de surface peuvent produire jusqu’à 15-20 g de particules par kg de déchets, contre <5 g/kg pour les feux profonds.

Métaux lourds : une libération thermique différenciée

Les déchets électroniques, batteries et pigments sont des sources fréquentes de plomb (Pb), cadmium (Cd), mercure (Hg). Leur volatilisation dépend de la température :

  • À haute température, les métaux sont entraînés dans les gaz de combustion ;
  • Dans les feux enfouis ou mal ventilés, une part reste piégée dans les cendres ou les dépôts solides.

Ces métaux peuvent ensuite être remobilisés dans l’air par des travaux de nettoyage ou de déblaiement.

 

Facteurs influençant les émissions

Type de combustion

  • Feux de surface : températures plus élevées, bonne aération, émissions rapides mais intenses.
  • Feux profonds : combustion lente et incomplète, émissions prolongées, accumulation de polluants semi-volatils.

Utilisation d’eau d’extinction

L’eau d’extinction, indispensable à la sécurité, modifie la chimie du feu :

  • Abaissement des températures de flamme ;
  • Formation accrue de COV, HAP et dioxines ;
  • Redistribution secondaire des polluants par vapeur ou ruissellement.

On observe ainsi une hausse moyenne de 30 % des émissions de COV, 50 % pour les HAP, et 20 % pour les dioxines, selon les conditions d’intervention (Fiedler et al., 2014).

Mixité des matériaux

Les interactions chimiques entre composants (par exemple bois + plastique, ou mousse + câbles) induisent des réactions complexes non linéaires. Les profils d’émission diffèrent largement de ceux d’un feu homogène. Cette mixité rend toute modélisation standard inopérante sans analyse spécifique.

Figure 3 – Les fumées épaisses issues de la combustion de matériaux complexes, comme les plastiques ou les déchets industriels, forment un nuage sombre riche en particules fines, suies et composés organiques volatils (COV). L’intervention en hauteur permet de contenir le feu tout en limitant la dispersion des polluants dans l’atmosphère, mais nécessite une évaluation post-incendie pour analyser l’impact sur la qualité de l’air.

 

Évaluer la qualité de l’air : une priorité post-incident

La surveillance de la qualité de l’air après un incendie est essentielle pour :

  • Protéger les personnes (salariés, riverains, secours) ;
  • Documenter les niveaux de pollution à proximité du site ;
  • Justifier la réintégration (ou non) des locaux adjacents ;
  • Mettre en œuvre des actions correctives (ventilation, nettoyage, confinement…).

Ces actions s’inscrivent dans le cadre du Code du travail français, notamment les articles R.4412-1 à R.4412-93, relatifs à la prévention du risque chimique, ainsi que du Code de l’environnement en matière de pollution atmosphérique et de gestion des incidents industriels.

Méthodes recommandées :

  • Prélèvements dynamiques à l’aide de pompes et supports filtrants adaptés ;
  • Analyses ciblées (COV, formaldéhyde, particules, métaux, dioxines) en laboratoire accrédité ;
  • Surveillance en temps réel par capteurs PID ou microcapteurs de particules ;
  • Cartographie des concentrations dans les zones potentiellement affectées.

Consultez notre page dédiée à la qualité de l’air après incendie

 

Conclusion : identifier pour mieux maîtriser

Les incendies de déchets multi-matériaux constituent des événements à fort impact chimique différé. Les polluants libérés peuvent persister dans l’environnement intérieur et extérieur, poser des risques sanitaires invisibles et compliquer la reprise d’activité.

Seule une approche structurée, fondée sur la mesure des polluants, l’analyse des conditions de combustion et la compréhension des interactions chimiques, permet d’agir de façon adaptée.

Références bibliographiques

  • Fiedler H. et al. (2014). Emission of dioxins and furans from fires, Environmental Science & Pollution Research.
  • Kraus T. et al. (2012). Toxicology of combustion products, Archives of Toxicology.
  • UNEP (2015). Toolkit for Identification and Quantification of Releases of Dioxins, Furans and Other Unintentional POPs.
  • Ministère de la Transition Écologique – DREAL Centre-Val de Loire (2020). Rapport d’accidentologie incendies de déchets.
  • Airparif (2019). Surveillance de la qualité de l’air suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris.
  • Code du travail français, articles R.4412-1 à R.4412-93.

 

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